Certaines personnes ont des opinions bien arrêtées sur les tests prénataux. Certains s’y opposent. D’autres les trouvent très importants. Ces opinions peuvent alimenter votre réflexion, c’est pourquoi nous les présentons ici. Toutefois, il est important de rappeler que ce qui compte, c’est que vous puissiez prendre votre propre décision.
Dans cette section, nous abordons les sujets suivants :
Autonomie reproductive (libre choix en matière de reproduction)
Certaines personnes ont des opinions bien arrêtées sur les avantages et les inconvénients des tests prénataux. Certains s’y opposent. D’autres pensent qu’ils sont essentiels. La lecture de ces points de vue peut éclairer votre réflexion. Toutefois, la plupart des gens s’entendent pour dire que ce qui importe le plus, c’est que les personnes (les futurs parents) aient la possibilité de faire leurs propres choix.
L’autonomie est la capacité de faire des choix pour soi-même. Les choix doivent être libres et éclairés. Un choix libre signifie que personne ne fait pression sur vous pour que vous choisissiez une certaine option. Un choix éclairé signifie que vous disposez de toutes les informations dont vous avez besoin pour faire prendre votre décision. Vous pourrez ainsi faire des choix en fonction de vos valeurs et de vos préférences.
L’autonomie reproductive est la capacité de choisir d’avoir des enfants. Les gens devraient pouvoir choisir s’ils veulent avoir des enfants ou non. Ils devraient aussi pouvoir choisir le moment où ils veulent avoir des enfants. Les tests prénataux permettent aux parents de savoir à l’avance si l’enfant qu’ils attendent est porteur d’un handicap ou d’une maladie. Ces tests sont proposés à tous les parents. Les utiliser ou non est un choix personnel.
Le choix de ne pas utiliser les tests prénataux peut être un choix libre et éclairé. Choisir d’y recourir peut aussi être un choix libre et éclairé. Pour faire ce choix, vous pouvez vous renseigner sur différents sujets :
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- les avantages et les inconvénients des tests prénataux en général
- les avantages et les inconvénients d’un test prénatal spécifique proposé
- la condition testée (par exemple, la trisomie 21)
- l’expérience de familles vivant avec cette condition
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Après un diagnostic positif basé sur un test prénatal, vous souhaiterez peut-être décider de poursuivre ou d’interrompre votre grossesse. Cette décision doit également être prise en toute liberté et en toute connaissance de cause. Il se peut que vous souhaitiez vous informer sur différents sujets pour faire votre choix :
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- la condition qui a été diagnostiquée
- l’expérience de familles vivant avec cette condition
- les ressources disponibles dans votre région pour les personnes atteintes de cette condition et leur famille
- les avantages et les inconvénients de l’avortement
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Les professionnels de la santé (y compris les médecins, sage-femmes, infirmières praticiennes, conseillères en génétique, etc.) vous donneront des informations pour vous aider à prendre ces décisions. Ils ne doivent pas faire pression sur vous pour que vous choisissiez une option plutôt qu’une autre.
Des ressources telles que ce site web et les organismes locaux pour personnes vivant avec cette condition peuvent vous aider à trouver plus d’informations.
L’expérience de la grossesse
Pour certaines personnes, les tests prénataux changent la façon dont elles vivent leur grossesse. Certaines attendent les résultats du test pour annoncer leur grossesse à leur famille et à leurs amis. D’autres attendent les résultats du test pour « s’attacher » au bébé. Cela change la façon dont les femmes vivent les premiers signes de leur grossesse. Les tests prénataux peuvent aussi changer le soutien qu’elles reçoivent. L’attente des résultats peut être stressante. Les tests exigent des décisions que certaines personnes préfèrent ne pas prendre. Certaines personnes préfèrent vivre une grossesse simple, avec moins d’interventions médicales.
Droits des personnes handicapées
Certaines personnes rejettent l’idée qu’une vie avec un handicap doive nécessairement être évitée. Pour eux, nous la vie d’une personne avec un handicap vaut autant que n’importe quelle autre vie humaine. Ainsi, nous ne devrions pas choisir des enfants qui ont de meilleures chances d’être typiques. Au contraire, nous devrions rendre le monde plus inclusif et plus respectueux de la diversité.
Plusieurs de ces personnes pensent que les tests prénataux sont blessants ou discriminatoires pour les personnes qui ont les conditions testées. Par exemple, vouloir éviter la trisomie 21 envoie un message blessant aux personnes qui ont cette condition. Cela reviendrait à dire « je ne veux pas que mes enfants soient comme toi », ou même « je pense que le monde est meilleur sans les personnes avec la trisomie 21 ».
En savoir plusLa critique des tests prénataux par les défenseurs des droits des personnes handicapées
De nombreux militants des droits des personnes handicapées et spécialistes du handicap (chercheurs qui étudient le handicap) critiquent les tests prénataux. Ils considèrent que les questions soulevées par le handicap, telles que les possibilités limitées et les obstacles à l’accès, sont dues à notre environnement social et physique, et pas nécessairement aux caractéristiques génétiques ou physiques de l’individu. Ils rejettent aussi l’idée que les personnes handicapées ont nécessairement une vie plus difficile que les autres.
Les recherches montrent que les personnes non handicapées ont tendance à penser que les personnes handicapées ne sont pas satisfaites de leur vie. Il peut être difficile pour une personne aux fonctions « typiques » de s’imaginer ou d’imaginer les membres de sa famille vivant avec un handicap et satisfaits de leur vie. Cela peut être dû à des préjugés sociaux, à un manque d’expérience vécue ou à des expériences avec des personnes handicapées qui ont grandi à une époque où moins d’assistance et de services étaient disponibles.
En réalité, la plupart des personnes handicapées, y compris celles avec la trisomie 21, sont très satisfaites de leur qualité de vie et se disent heureuses. La recherche montre que les personnes qui n’ont pas l’expérience de la trisomie 21 ont tendance à choisir l’interruption de grossesse lors du diagnostic de cette condition. Les personnes qui ont une expérience avec la trisomie 21 choisissent moins souvent d’interrompre une grossesse après un tel diagnostic. Cela signifie que les femmes et les couples devraient être aussi informés que possible sur les maladies qu’ils choisissent de tester et sur ce que c’est que de vivre avec ces conditions.
Ceux qui reprochent aux tests prénataux de nuire aux droits des personnes handicapées estiment que :
- Les tests prénataux visant à détecter des handicaps envoient des messages blessants aux personnes qui vivent avec les conditions testées. Ce premier point a été très controversé dans les débats philosophiques. En effet, beaucoup de personnes pensent au contraire que lorsqu’un individu ou un couple fait un choix médical personnel, il n’envoie pas un « message ». Ce choix peut exprimer une préférence pour éviter d’avoir un enfant handicapé, sans exprimer une attitude négative à l’égard des personnes qui vivent déjà avec un tel handicap.
- L’existence et la popularité des tests prénataux favorisent des opinions qui stigmatisent les personnes atteintes des conditions testées, telles que la trisomie 21. L’existence des tests prénataux favorise aussi des attitudes de désapprobation envers les parents qui choisissent d’accueillir un enfant avec la trisomie 21.
- La diversité génétique et l’expérience du handicap ont une valeur sociale. En suivant cette ligne de pensée, ils estiment que la société perdrait quelque chose d’important s’il n’y avait plus (ou moins) de personnes avec la trisomie 21 en raison des choix reproductifs individuels.
- Davantage de ressources devraient être consacrées à l’intégration des personnes handicapées dans l’environnement social et professionnel, au lieu d’essayer de prévenir le handicap par une reproduction sélective.
- La préférence pour les enfants « typiques » est souvent fondée sur des idées fausses concernant ce que signifie vivre avec un handicap ou s’occuper d’une personne handicapée.
La critique des défenseurs des droits des personnes handicapées n’est généralement pas dirigée contre les personnes qui choisissent de recourir aux tests prénataux ou à l’avortement. Elle vise plutôt les dirigeants politiques qui créent et maintiennent les conditions sociales et économiques dans lesquelles vivent les personnes handicapées et leurs familles. Selon cette critique, ces conditions créent souvent des obstacles qui encouragent les femmes et les couples à prendre des décisions pour éviter le handicap.
Une personne peut être favorable à un changement social visant à offrir plus de ressources et de possibilités aux personnes vivant avec un handicap et à leur famille, tout en préférant éviter d’avoir un enfant avec la trisomie 21 ou d’autres handicaps.
Certaines personnes se demandent si, dans les circonstances sociales actuelles, les individus se sentent vraiment libres de faire leurs propres choix. Les professionnels de la santé ont-ils un biais négatif envers les personnes handicapées et laissent-ils transparaître ce biais dans leurs interactions avec les parents qui attendent un enfant avec la trisomie 21? Les femmes et les couples se sentent-ils limités par le manque de ressources et de soutien ? Des personnes interrompent-elles parfois une grossesse parce qu’elles craignent de ne pas pouvoir s’occuper correctement d’un enfant handicapé ? Valoriser la diversité d’une part et d’offrir des tests prénataux d’autre part est-il paradoxal? Ce sont là des questions qui doivent faire l’objet d’un débat de société, afin que les gens puissent accepter ou rejeter l’offre de tests prénataux de manière libre et volontaire, en fonction de leurs préférences et de leurs valeurs personnelles.
Attitudes à l’égard des enfants
Certaines personnes pensent que tous les enfants sont des cadeaux. Elles invitent les parents à réfléchir aux raisons pour lesquelles ils veulent devenir parents. Elles pensent que les parents qui veulent choisir d’avoir des enfants particuliers (par exemple, sans trisomie 21) considèrent les enfants comme des moyens d’atteindre leur propre bonheur. Dans cette optique, les parents qui accueillent tous les enfants tels qu’ils sont considèrent les enfants comme des fins en soi.
D’autres personnes pensent que les parents doivent choisir les enfants qui seront les plus heureux. Ces personnes pensent que les personnes « typiques » sont plus heureuses que les personnes handicapées. Ils pensent que les parents devraient utiliser les options dont ils disposent, comme les tests prénataux, pour choisir le type d’enfant qu’ils souhaitent avoir, afin que leur enfant ait la meilleure vie possible. C’est ce qu’on appelle l’argument de la « bienfaisance procréative ».
L’argument de la bienfaisance procréative
Certaines personnes affirment que nous avons l’obligation morale d’utiliser toutes les options disponibles pour choisir un enfant qui a de meilleures chances de vivre une bonne vie. Parmi ces options, il y a les tests prénataux, mais aussi des technologies coûteuses qui permettent de choisir l’enfant à avoir, comme la fécondation in vitro (FIV) avec test génétique préimplantatoire (TPI). Ces technologies permettent de choisir parmi des embryons lequel implanter dans l’utérus.
Ce point de vue est appelé l’argument de la « bienfaisance procréative » – l’opinion selon laquelle nous avons le devoir moral de choisir l’enfant qui a les « meilleures » chances d’avoir une bonne vie. Ceux qui soutiennent ce point de vue admettent que d’autres facteurs peuvent être plus importants que cette « obligation » de choisir l’enfant ayant les meilleures chances. Par exemple, les coûts et les risques pour la santé liés aux techniques de reproduction comme la FIV pourraient justifier de ne pas y recourir. De même, si l’avortement n’est pas une option acceptable pour une femme ou un couple, ils peuvent également décider de ne pas remplir leur soi-disant « obligation ».
L’argument de la « bienfaisance procréative » soulève des questions sur ce que signifie une « bonne vie ». Comment définir la santé et la maladie, les capacités et le handicap, et la bonne vie ? Et qui décide de ce que ces choses signifient ? Par exemple, de leur propre point de vue, les personnes avec la trisomie 21, ou d’autres handicaps, n’ont pas nécessairement une vie moins bonne.
La « bienfaisance procréative » est aussi problématique parce qu’elle soulève la question de savoir qui en bénéficie réellement. Il serait étrange d’affirmer qu’un fœtus avec la trisomie 21 « bénéficie » du fait de ne pas naître. Il est peu probable que la vie de l’enfant qu’il pourrait devenir soit si mauvaise qu’il aurait été préférable qu’il ne naisse pas du tout.
Mais une fois ce fœtus « éliminé », si la femme conçoit à nouveau un enfant, un autre fœtus « bénéficie » de cette exclusion et un autre enfant naît. De ce point de vue, l’avortement ne profite pas à l’individu qui est « éliminé », sauf dans les cas où la maladie entraîne une qualité de vie si terrible qu’il est préférable de ne pas naître du tout. Par exemple, certains affirment que la maladie de Tay Sachs est l’une de ces maladies. De l’avis de ces personnes, étant donné qu’il n’existe pas de traitement et que la maladie de Tay Sachs entraîne une mort précoce et douloureuse, il serait préférable pour un bébé de ne pas naître du tout.
Certaines personnes estiment qu’elles devraient choisir un embryon/fœtus « plus sain » en fonction des intérêts de leurs enfants existants. Elles estiment qu’il serait injuste de leur imposer un frère ou une sœur qui nécessite plus de soins et de soutien. Certaines personnes pensent aussi que leur propre vie serait considérablement détériorée si elles avaient un enfant ayant des besoins particuliers. Certains diront que la naissance d’une personne en meilleure santé ou intellectuellement normale est tout simplement « meilleure » en soi que la naissance d’une personne avec des problèmes de santé ou une déficience intellectuelle.
Ces convictions sont très personnelles et ces perceptions du handicap sont très subjectives. La recherche ne montre pas que les familles qui ont un enfant avec des besoins spéciaux ont nécessairement plus de difficultés que les autres familles.
D’autres personnes en faveur des tests prénataux et d’autres formes de reproduction sélective pensent qu’il est préférable pour la société d’éviter la naissance d’individus ayant des besoins importants. Ils affirment que c’est une bonne chose d’aider la société à devenir plus saine.
Ce type de raisonnement a été historiquement qualifié d’« eugénisme » – un désir d’améliorer le patrimoine génétique d’une société donnée. Dans le passé, les projets eugéniques ont guidé des politiques discriminatoires, injustes et même violentes, y compris des politiques telles que les stérilisations forcées. Les idées eugéniques ont fini par sous-tendre l’idéologie nazie et ont conduit à l’assassinat en masse, pendant la Seconde Guerre mondiale, de millions de personnes jugées « génétiquement inaptes ».
Aujourd’hui, les partisans des tests prénataux prennent leurs distances par rapport à ces idées. Ils affirment clairement que les tests prénataux sont destinés à être utilisés (ou non) par les individus pour le bénéfice des individus, et non des sociétés. Cette approche est parfois appelée « eugénisme libéral », car elle se concentre sur les choix des individus et non sur les politiques mises en œuvre par les gouvernements. Cependant, l’ombre historique de l’eugénisme demeure et met certaines personnes mal à l’aise à l’idée de « sélectionner des enfants », car il peut être difficile de distinguer des faits sociaux de choix individuels.
Références
Voir les référencesKaposy, C. (2013). A disability critique of the new prenatal test for Down syndrome. Kennedy Institute of Ethics Journal, 23(4), 299-324.
Rapp, R. (1988). Moral pioneers: women, men and fetuses on a frontier of reproductive technology. Women & health, 13(1-2), 101-117.
Rothman, B. K. (1986). The tentative pregnancy: Prenatal diagnosis and the future of motherhood (Vol. 1). New York: Viking.
Savulescu, J. (2001). Procreative beneficence: why we should select the best children. Bioethics, 15(5‐6), 413-426.